BIOGRAPHY

FR
Née à Madrid en 1962, La Ribot vit à Genève et travaille à l'internationale.
Lion d'or pour l'ensemble de sa carrière de la Biennale Danza di Venezia 2020
Grand Prix suisse de danse par l’Office fédéral de la culture en 2019.
Premio en Artes Plásticas de Comunidad de Madrid, España 2018.
Medalla de Oro al Merito en las Bellas Arte. España en 2015.
Premio Nacional de Danza, Ministerio de Cultura. España, 2000.
La Ribot est chorégraphe, danseuse et artiste. Son œuvre, apparue au sortir de la transition démocratique dans l’Espagne des années 1980, a profondément modifié le champ de la danse contemporaine. Elle défie les cadres et les formats de la scène comme du musée, empruntant librement aux vocabulaires du théâtre, des arts visuels, de la performance, du cinéma et de la vidéo pour opérer un déplacement conceptuel de la chorégraphie. Soli, explorations collaboratives, recherches avec des amateurs, installations et images en mouvements présentent dès lors les facettes d’une pratique protéiforme, qui ne cesse de mettre en jeu le droit du corps.
Née à Madrid en 1962, Maria Ribot commence par se former à la danse classique au milieu des années 1970. Rapidement critique des conventions du ballet, elle poursuit son éducation en danse contemporaine en France, en Allemagne et aux États-Unis avant de fonder, à son retour à Madrid en 1986, Bocanada Danza avec la chorégraphe Blanca Calvo. Les expérimentations des années 1980, bâties sur les pratiques collectives et transdisciplinaires, participent du mélange des genres qui s’épanouit alors dans la scène underground madrilène, brassant la danse, le cabaret, le free jazz, la musique contemporaine et les arts visuels. Si l’Espagne constitue pour La Ribot un point d’ancrage intellectuel et artistique constant, sa trajectoire l’expose à des milieux divers. Entre 1997 et 2004, elle s’installe à Londres où son travail est plébiscité par la notion de live art, qui signale une hybridation croissante entre les arts du spectacle et la performance artistique. Depuis 2004, elle vit, travaille et enseigne à Genève où elle a fondé sa compagnie, La Ribot-Genève.
Dès 1989, La Ribot s’écarte des collectifs de Madrid pour s’attacher à radicaliser les lignes de force de sa recherche. Elle signe pour la première fois en 1991, sous le nom de La Ribot, une pièce chargée d’humour et d’autodérision qui revêt une place séminale dans son œuvre : Soccoro ! Gloria !. Seule sur le plateau, couverte d’une montagne de vêtements, l’artiste, danse, joue et performe un interminable strip-tease sur la sonate n°22 de Beethoven. La déconstruction des codes de la danse pointe du doigt l’économie du spectacle, le voyeurisme et l’acte de consommation de l’artiste par le public qui président au rituel vivant du théâtre. Elle ouvre la possibilité d’un retournement conceptuel de ces données. C’est à partir de cette mise à nu, littérale, du matériau corporel de la danse, que La Ribot développe ses Piezas distinguidas, à ce jour cinq séries totalisant cinquante-trois pièces (1993-2020). Ces soli brefs, enchaînés sans solution de continuité plusieurs heures durant, ont la vigueur poétique des petites formes, où l’expression se fait nette et acérée. Le corps performant y devient matériau parmi des objets ordinaires, réinventés avec une apparente légèreté, distillant une critique silencieuse de la société. Avec une grande économie de moyens et une dramaturgie précise, l’artiste fait de l’espace lui-même une partition chorégraphique, allant jusqu’à inclure le public tandis qu’elle passe de la scène à des espaces en white cube. Cette œuvre pionnière participe des démarches conceptuelles qui, depuis les années 1990, ont émergé de la chorégraphie pour interpeler les conventions de l’art contemporain et les pratiques sociales du musée. Elle ne se contente pas d’ouvrir la danse à des espaces non-scéniques. Elle va jusqu’à proposer, pour la première fois dans le champ de la performance, un principe de transaction immatérielle qui permet à chaque Pièce distinguée d’être acquise par un.e « Propriétaire distingué.e ».
Depuis 2000, les pièces chorégraphiques et les installations de La Ribot interrogent les limites du temps réel de l’œuvre vivante en le confrontant à celui des médias. L’enregistrement vidéo mais aussi des circuits de transmission directe qui permettent la présence « à distance » donnent matière à comprimer ou dilater l’espace-temps de la performance, à mettre en inconfort les représentations du corps. Despliegue (2001) écrase ainsi, pour ainsi dire, la longue séquence des Pièces distinguées dans l’espace-temps réduit d’un seul plan vidéo fixe de quarante-cinq minutes. A l’opposé, l’outil du « corps opérateur », à l’origine de sa série Traveling (2003), de Mariachi 17 (2009) ou de son hommage à Loïe Fuller, Beware of Imitations ! (2014), dote les danseurs d’une caméra au poing dans un défi toujours plus complexe du plan-séquence. L’espace perçu à partir du corps est celui d’une avalanche visuelle, qui oppose aux médias de l’information un sensorium organique que le cerveau ne peut absorber. La théâtralité y ressurgit dans le suspens, le trompe-l’œil, le chavirement des échelles et des distances. Dans sa série de vidéos FILM NOIR (2014-2017), l’artiste compose un travail d’observation politique du cinéma des années 1960, en s’intéressant à ce que révèlent les états de corps des figurants recrutés parmi la population locale dans les grands péplums tournés en Espagne sous le régime de Franco.
L’œuvre de La Ribot va et vient entre les corps et les choses, entre le théâtre et l’exposition. Son installation performative de 2006, Laughing Hole, qui réunit trois danseuses dans un amas de cartons couverts d’inscriptions, libère une charge critique à haute tension : « Gaza party », « immigrant à vendre », « trou brutal », etc., les mots sont littéralement portés telles des pancartes précaires par des femmes secouées d’un rire ininterrompu. En 2010, elle conçoit Walk the Chair, une installation de cinquante chaises pliantes portant des citations, qui suggère une conscience active du rôle du spectateur et interroge son rapport aux objets de l’exposition. Sur l’une de ces chaises, elle a écrit : « j’ai rêvé que tous les objets d’art du monde, des millions et des millions, prenaient vie et nous mangeaient tous ». La présence humaine circule, instable, et la place de l’individu n’est jamais donnée. C’est ce que montrent également des pièces scéniques telles que Gustavia (2008), écrite et interprétée avec Mathilde Monnier, un hommage au slapstick ou à la rébellion anarchique et absurde des choses, ou le radical El Triunfo de la Libertad (2014), écrit et mise en scène avec Juan Dominguez et Juan Loriente. Dans cette dernière pièce, le public est confronté à un plateau entièrement vide et déserté. Le texte d’une pièce invisible défile sur les rubans LED à la manière du cours de la bourse à Times Square, tandis qu’une conduite lumière aussi précise qu’énigmatique met à nu la fabrique du théâtre. Dans des travaux de groupe, enfin, qui mobilisent toute la dimension expérimentale de son œuvre, La Ribot explore les possibles d’un corps collectif, où se joue un partage organique et intuitif du geste créateur. Parmi ceux-ci, 40 Espontáneos (2004) fait appel à quarante amateurs dont l’activité sur scène procède, par une lente répétition, à l’assemblage graphique et matériel d’une mémoire collaborative. Plus récemment, Happy Island (2018), créée avec la compagnie Dançando com a Diferença, est construit avec des danseurs atteints de handicap. Combinant des portraits individuels et l’énergie du groupe, l’œuvre élabore avec pudeur un espace de mouvement où sensualité, sexualité et imaginaire affirment leur droit au pivot entre l’art et la vie.
Jusqu’à présent, les Pièces distinguées demeurent, pour La Ribot, à la fois un work in progress inachevé, un laboratoire conceptuel qui alimente l’ensemble de sa pensée chorégraphique et un journal de son regard politique sur le monde. Les trois premières séries, subtilement informées par le ready made et l’assemblage, ancrent l’œuvre à travers le solo, dans la lignée des grands gestes de rupture opérés depuis l’essor de la danse moderne par les danseuses chorégraphes : 13 Piezas distinguidas (1993-1994), Más distinguidas (1997) et Still Distinguished (2000). Ces trois ensembles donneront lieu à Panoramix (1993-2003), anthologie complète de trois heures créée à la Tate Modern (Londres), qui exploite toutes les caractéristiques d’une salle de musée. Dans PARAdistinguidas (2011), La Ribot revient à la scène pour s’employer à perturber son propre ouvrage, en introduisant des soli chorégraphiés par d’autres danseuses et la participation de vingt figurants amateurs. Plus récemment, les dix pièces regroupées dans la série Another Distinguée (2016) sont portées par le trio tendu, lancinant, qu’elle forme avec Juan Loriente et Tami Manhekela. Dans une semi-pénombre, sur une scène obstruée par une masse informe, aucun corps ne semble pouvoir se poser. L’espace se resserre autour de mouvements contraints, dans des saynètes burlesques et grinçantes, d’une violence contenue.
Les vidéos et installations de La Ribot ont été présentées dans diverses expositions et sont conservées, pour certaines, dans les collections permanentes d’institutions publiques : Artium, Centro-Museo Vasco de Arte Contemporáneo de Vitoria (País Vasco), le Centre national des arts plastiques (Paris), le Museo nacional centro de arte Reina Sofia, le Musée national d’art moderne – Centre Pompidou (Paris), le MUSAC Museo de Arte Contemporaneo de Castilla i León (León), La Panera (Lleida).
Par Marcella Lista, Conservatrice en chef de la collection Nouveaux Médias, Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, Paris 2020
***
EN
Born in Madrid in 1962, La Ribot is currently living in Geneva and performing internationally.
Golden Lion for Lifetime Achievement at Biennale Danza di Venezia 2020
Grand Prix suisse de danse par l’Office fédéral de la culture en 2019.
Premio en Artes Plásticas de Comunidad de Madrid, España 2018.
Medalla de Oro al Merito en las Bellas Arte. España en 2015.
Premio Nacional de Danza, Ministerio de Cultura. España, 2000.
La Ribot is a choreographer, dancer, and visual artist. Her art emerged at the end of Spain’s democratic transition in the 1980s and has gone on to profoundly change the field of contemporary dance. She defies the frameworks and formats of the stage and the museum, borrowing freely from the vocabularies of theater, visual art, performance art, film, and video to achieve a conceptual shift in choreography. Her solos, collective explorations, experiments with amateurs, installations, and moving images are the many facets of a protean practice that constantly focus on the rights of the body.
Born in Madrid in 1962, Maria Ribot began studying classical dance in the mid-1970s. She soon became critical of the conventions of ballet and continued her education in contemporary dance in France, Germany, and the United States. She returned to Madrid in 1986 and founded Bocanada Danza with the choreographer Blanca Calvo. Her experiments of the 1980s, based in collective and transdisciplinary practices, participated in the blending of genres then flourishing in the Madrid underground, mixing dance, cabaret, free jazz, contemporary music, and the visual arts. While Spain has remained a constant intellectual and artistic anchor for La Ribot, her career has found her in a variety of environments. From 1997 to 2004, she lived in London, where her work met with acclaim in the context of live art, a notion that signaled a growing hybridization between the performing arts and performance art. Since 2004, she has lived, worked, and taught in Geneva, where she founded her company, La Ribot-Genève.
Beginning in 1989, La Ribot moved away from the collectives of Madrid to focus on radicalizing the core elements of her artistic research. She used the name La Ribot for the first time in 1991 to choreograph a deeply humorous, self-mocking dance solo that would claim a seminal place in her body of work: Soccoro! Gloria! Alone on stage, covered in multiple layers of clothing, the artist dances, acts, and performs an endless strip-tease to Beethoven’s Sonata no. 22. The deconstruction of dance codes points to the economics of show business, voyeurism, and the consumption of the artist by the audience that presides over the living ritual of theater. It opens the possibility of a conceptual reversal of these facts. From this literal baring of the bodily material of dance, La Ribot developed her Piezas distinguidas (Distinguished Pieces), of which she has to date produced five series consisting of a total of 53 dances (1993-2020). These brief solos, performed one after another over several hours without any attempt at continuity, have the poetic vigor of small forms, in which expression becomes clear and sharp. Here, the performing body is another material alongside ordinary objects reinvented with apparent lightness but distilling a silent critique of society. With great economy of means and precise dramaturgy, the artist turned space itself into a dance score, going so far as to include the audience as she made the transition from stage to white cube. Her pioneering work contributed to the conceptual approaches that began emerging from choreography in the 1990s to question the conventions of contemporary art and the social practices of museums. Yet La Ribot did not limit herself to opening dance to non-theatrical spaces. She went so far as to propose, for the first time in the field of performance, a model of intangible transaction that allows each Distinguished Piece to be acquired by a “Distinguished Proprietor.”
Since 2000, La Ribot’s dance pieces and installations have been questioning the limits of real time in the live work of art by confronting it with that of other mediums. Video recordings and live transmission circuits that allow for “long-distance” presence compress or dilate the space-time of the performance and create discomfort around representations of the body. One could say, for instance, that Despliegue (2001) squeezes the long sequence of the Distinguished Pieces into the limited space-time of a single forty-five-minute static video shot. On the contrary, the concept of the “operating body” at the core of her Traveling series (2003), Mariachi 17 (2009), and her tribute to Loïe Fuller, Beware of Imitations! (2014), outfits dancers with a handheld camera in an ever-more-complex challenge to the sequence-shot. The space perceived from the perspective of the body is like a visual avalanche, which contrasts information media with an organic sensorium that the brain cannot absorb. Theatricality reappears here in the form of suspense, trompe-l’oeil, and radical shifts of scale and distance. In her series of videos FILM NOIR (2014-2017), the artist composes a political observation of the cinema of the 1960s by focusing on what is revealed by the state of the bodies of background actors recruited from the local population to appear in sword-and-sandal epics shot in Spain under the Franco regime.
La Ribot’s work moves back and forth between bodies and things, between theater and exhibitions. Her 2006 performative installation, Laughing Hole features three female dancers in a pile of cardboard boxes covered in inscriptions and unleashes a high-tension critical charge: “Gaza party,” “immigrant for sale,” “brutal hole,” etc. Constantly laughing women literally carry these words like precarious placards. In 2010, she conceived Walk the Chair, an installation of fifty folding chairs with quotes on them, which suggests an active awareness of the spectator’s role and questions his or her relationship to the objects in the exhibition. An inscription on one of the chairs reads: “I dreamed that all the pieces of art in the world, millions and millions of them, came to life and ate all of us.” The human presence circulates, unstable, the individual’s place is never a given. This is also expressed in live performances for the stage such as Gustavia (2008), written and performed with Mathilde Monnier, an homage to slapstick and the anarchistic and absurd rebellion of things, and the radical El Triunfo de la Libertad (2014), written and directed with Juan Dominguez and Juan Loriente. In the latter piece, the audience is faced with an entirely empty, deserted stage. The text of an invisible play scrolls on LED monitors like the stock exchange rate at Times Square, while a sequence of light cues as precise as it is enigmatic lays bare the fabrication of theater. Finally, in group works that make full use of the experimental dimension of her art, La Ribot explores the potential of a collective body, in which an organic and intuitive sharing of the creative gesture is at play. One of these group works, 40 Espontáneos (2004) features forty amateur performers, whose activity on stage uses slow repetition to visually and materially assemble a collaborative memory. More recently, Happy Island (2018), which was created with the company Dançando com a Diferença, was developed for dancers with disabilities. Combining individual portraits and group energy, this piece sensitively creates a space for movement in which sensuality, sexuality, and the imagination claim their place as the pivot between art and life.
To date, La Ribot continues to see the Distinguished Pieces as an unfinished work in progress, a conceptual lab that fuels all of her choreographic thought, and a diary of her political views of the world. The first three series, which were subtly informed by the ready-made and assemblage, use the solo to anchor the work in the great lineage of revolutionary gestures made since the rise of modern dance through the work of dancer-choreographers: 13 Piezas distinguidas (1993-1994), Más distinguidas (1997), and Still Distinguished (2000). These three series led to Panoramix (1993-2003), a three-hour complete anthology that was first performed at Tate Modern (London) and made full use of all the characteristics of a museum gallery. In PARAdistinguidas (2011), La Ribot returned to the stage to attempt to disrupt her own work by introducing solos choreographed by other women dancers and the participation of twenty amateur background performers. More recently, the ten pieces composing the Another Distinguée series (2016) have been performed by the tight, darting trio she forms with Juan Loriente and Tami Manhekela. In semi-darkness, on a stage blocked by a shapeless mass, it seems impossible for the body to settle. Space tightens around constrained movements in farcical dark sketches harboring a threat of violence.
La Ribot’s videos and installations have been displayed in a variety of exhibitions. Some of these works are in the permanent collections of public institutions: Artium, Centro-Museo Vasco de Arte Contemporáneo de Vitoria (País Vasco), Centre national des arts plastiques (Paris), Museo nacional centro de arte Reina Sofia, Musée national d’art moderne – Centre Pompidou (Paris), MUSAC Museo de Arte Contemporaneo de Castilla i León (León), La Panera (Lleida).
By Marcella Lista, Chief Curator of the New Media Collection, National Museum of Modern Art-Centre Pompidou, Paris
***
ES
La Ribot nace en Madrid, 1962. Actualmente vive en Ginebra y trabaja internacionalmente.
León de Oro a la carrera en Biennale Danza di Venezia 2020
Grand Prix suisse de danse par l’Office fédéral de la culture en 2019.
Premio en Artes Plásticas de Comunidad de Madrid, España 2018.
Medalla de Oro al Merito en las Bellas Arte. España en 2015.
Premio Nacional de Danza, Ministerio de Cultura. España, 2000.
La Ribot es coreógrafa, bailarina y artista. Su obra, iniciada al final de la transición democrática en la España de los años 80, ha cambiado profundamente el campo de la danza contemporánea. Desafía los marcos y los formatos de la escena y del museo, tomando prestado libremente el vocabulario del teatro, de las artes visuales, de la performance, del cine y del vídeo para llevar a cabo un desplazamiento conceptual de la coreografía. Solos, exploraciones colaborativas, investigación con aficionados, instalaciones e imágenes en movimiento presentan desde entonces las facetas de una práctica proteiforme, que no deja de jugar con el derecho al cuerpo.
Nacida en Madrid en 1962, María Ribot empieza formándose en danza clásica a mediados de los años 70. Crítica desde muy pronto con las convenciones del ballet, continúa su formación en danza contemporánea en Francia, Alemania y los Estados Unidos antes de fundar, a su regreso a Madrid en 1986 Bocanada Danza junto a la coreógrafa Blanca Calvo. La experimentación de los años 80, cimentada en las prácticas colectivas y transdisciplinares, participa de la mezcla de géneros que se desarrolla dentro del underground madrileño, y que conjuga la danza, el cabaré, el free jazz, la música contemporánea y las artes visuales. Aunque España representa para La Ribot un punto de anclaje artístico e intelectual constante, su trayectoria la expone a entornos diversos. Entre 1997 y 2004 se instala en Londres, donde su trabajo recibe el apoyo de la corriente del live art, que presagia una cada vez mayor hibridación entre las artes del espectáculo y la performance artística. Desde 2004 vive, trabaja y enseña en Ginebra, donde ha fundado su compañía, La Ribot-Genève.
A partir de 1989, La Ribot se aleja de los colectivos de Madrid para dedicarse a radicalizar los elementos principales de su investigación. En 1991 firma, por primera vez con el nombre de La Ribot, una pieza llena de humor y autocrítica que ocupa un lugar seminal en su obra: Socorro! Gloria! Sola sobre el escenario, vestida con una montaña de ropa, la artista baila e interpreta un interminable estriptís con la sonata n.º 22 de Beethoven como banda sonora. La deconstrucción de los códigos de la danza apunta a la economía del espectáculo, al voyerismo y al acto de consumición del artista por parte del público que dirigen el ritual vivo del teatro. Abre la posibilidad a un regreso conceptual de esa información. Desde que deja al desnudo, literalmente, el material corporal de la danza, La Ribot desarrolla sus Piezas distinguidas que, de momento, constan de cinco series y cincuenta y tres piezas (1993-2020). Se trata de solos breves, encadenados sin solución de continuidad a lo largo de varias horas, con la fuerza poética de las pequeñas formas, y en los que la expresión se vuelve nítida y mordaz. El cuerpo que los interpreta se convierte en material entre objetos cotidianos, reinventados con una aparente ligereza y que destilan una crítica silenciosa de la sociedad. Con un gran ahorro de medios y una dramaturgia precisa, la artista convierte el espacio en sí en una partitura coreográfica, y llega incluso a incluir al público cuando pasa de un escenario a un cubo en blanco. Esta obra pionera se enmarca en un enfoque conceptual que, desde los años 90, ha surgido de la coreografía para reflexionar sobre las convenciones del arte contemporáneo y las prácticas sociales del museo. No se conforma con abrir la danza a espacios no escénicos, sino que se atreve a proponer, por primera vez en el campo de la performance, un principio de transacción inmaterial que permite que cada Pieza distinguida sea adquirida por un/a «propietario/a distinguido/a».
Desde el año 2000, las piezas coreográficas y las instalaciones de La Ribot se cuestionan los límites del tiempo real de la obra viva comparándolo con el de los medios. La grabación de vídeo, así como los circuitos de transmisión directa que permiten la presencia «a distancia», dan pie a comprimir o dilatar el espacio-tiempo de la performance, a cuestionar la representación del cuerpo. Despliegue (2001) rompe, por así decirlo, la larga secuencia de las Piezas distinguidas en el espacio-tiempo reducido a un único plano fijo de vídeo de cuarenta y cinco minutos. Por el contrario, la herramienta del «cuerpo-operador», origen de su serie Traveling (2003), de Mariachi 17 (2009) o de su homenaje a Loïe Fuller, Beware of Imitations ! (2014), dota a los bailarines de su propia cámara, en un desafío cada vez más complejo al plano secuencia. El espacio percibido a partir del cuerpo es el de una avalancha visual que, en contraposición a los medios de comunicación, ofrece un sensorium orgánico que el cerebro no es capaz de asimilar. Renace en él la teatralidad por medio del suspense, el trampantojo, el vuelco de las escalas y de las distancias. En su serie de vídeos FILM NOIR (2014-2017), la artista hace una labor de observación política del cine de los años 60, analizando lo que revelan las posturas de los figurantes, contratados de entre la población local, de las grandes películas históricas rodadas en España bajo el régimen de Franco.
La obra de La Ribot va y viene entre los cuerpos y las cosas, entre el teatro y la exposición. Su instalación performática de 2006, Laughing Hole, que reúne a tres bailarinas entre un cúmulo de cartones rotulados, tiene una carga crítica de alto voltaje. «Fiesta en Gaza», «inmigrante en venta», «agujero brutal»… Palabras que las intérpretes llevan, literalmente, a modo de precaria pancarta mientras no dejan de reírse. En 2010 concibe Walk the Chair, una instalación de cincuenta sillas plegables con citas, que sugiere una conciencia activa del papel del espectador y se plantea su relación con los objetos de la exposición. En una de las sillas escribió: «He soñado que todas las obras de arte del mundo, millones y millones, cobraban vida y nos devoraban a todos». La presencia humana circula, inestable, y el lugar del individuo nunca se concreta. Es lo que muestran también piezas escénicas como Gustavia (2008), escrita e interpretada junto a Mathilde Monnier, un homenaje a la comedia física o a la rebelión anárquica y absurda de las cosas, o la radical El Triunfo de la Libertad (2014), escrita y puesta en escena con Juan Domínguez y Juan Loriente. En esta última pieza, el público se enfrenta a un escenario completamente vacío y desierto. El texto de una obra invisible va desfilando por pantallas de LED, como las cotizaciones de la bolsa de Times Square, a la vez que una cronología de efectos tan precisa como enigmática deja al desnudo la fábrica del teatro. Por último, en sus trabajos en grupo, que encarnan toda la dimensión experimental de su obra, La Ribot explora las posibilidades de un cuerpo colectivo, en el que se presenta un reparto orgánico e intuitivo del gesto creador. Entre estos trabajos cabe citar 40 Espontáneos (2004), que recurre a cuarenta figurantes cuya actividad en escena consiste, por medio de una lenta repetición, en la recopilación gráfica y material de una memoria colaborativa. O, más recientemente, Happy Island (2018), creada junto a la compañía Dançando com a Diferença y representada por bailarines con capacidades diferentes. La obra, que combina los retratos individuales y la energía del grupo, desarrolla con pudor un espacio de movimiento en el que sensualidad, sexualidad e imaginario afirman su derecho a cabalgar entre el arte y la vida.
Hasta el momento, las Piezas distinguidas siguen siendo para la Ribot una obra en curso inacabada y, a la vez, un laboratorio conceptual que alimenta el conjunto de su filosofía coreográfica y un diario de su perspectiva política del mundo. Las tres primeras series, sutilmente estructuradas a partir del arte encontrado y el ensamblaje, anclan la obra a lo largo del solo, en la línea de los grandes gestos de ruptura protagonizados desde el auge de la danza moderna por parte de las bailarinas coreógrafas: son 13 Piezas distinguidas (1993-1994), Más distinguidas (1997) y Still Distinguished (2000). Estos tres conjuntos darán lugar a Panoramix (1993-2003), antología completa de tres horas creada en la Tate Modern (Londres), que explota todas las características de una sala de museo. En PARAdistinguidas (2011), La Ribot vuelve a escena para dedicarse a alterar su propia obra, introduciendo solos coreografiados para otras bailarinas y la participación de veinte figurantes. Más recientemente, el trío inquieto y palpitante que forma La Ribot junto a Juan Loriente y Tami Manhekela representa las diez piezas agrupadas en la serie Another Distinguée (2016). En semipenumbra, en una escena obstaculizada por una masa informe, ningún cuerpo parece capaz de quedarse quieto. El espacio se estrecha en torno a movimientos forzados, en sainetes burlescos y mordaces, de una violencia contenida.
Los vídeos e instalaciones de La Ribot se han presentado en varias exposiciones, y algunos de ellos se conservan en las colecciones permanentes de instituciones públicas, como el Centro-Museo Vasco de Arte Contemporáneo de Vitoria – Artium (Euskadi), el Centre National des Arts Plastiques (París), el Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, el Musée National d’Art Moderne – Centre Pompidou (París), el MUSAC- Museo de Arte Contemporáneo de Castilla y León (León) o La Panera (Lleida).
Por Marcella Lista, Conservadora jefe de la Colección Nuevos Medios, Museo Nacional de Arte Moderno-Centro Pompidou, París.